CONFERENCIERS INVITES

 

Rita Franceschini – Université de Bolzano, Italie
« Le concept de 'multicompétence' : une manière de référer le caractère interconnecté du multilinguisme »

Dans le vaste champ du multilinguisme (dit aussi 'plurilinguisme' dans le domaine des langues romanes), dans les dernières dix années on peut observer une montée de discussions conceptuelles. En même temps, il est de plus en plus évident que dans nos sociétés le multilinguisme n'est pas un phénomène exceptionnel, mais très répandu. Certes, les formes dans lesquelles le multilinguisme se concrétise sont très variées – et très variées sont par conséquent les conceptualisations qui cherchent à cerner sa nature multiple et dynamique. Parmi d'autres, le terme de multicompétence (MC) est un bon candidat de référence aux différentes facettes du multilinguisme, surtout quand on cherche à mettre en relation le plan individuel avec celui de l'usage concret dans des situations communicatives sociales. On déplore depuis longtemps le manque d'une théorie qui puisse établir un pont entre des considérations psycholinguistiques d'un côté et sociolinguistiques de l'autre. Cette contribution ne pourra pas donner une réponse à cette question. Elle cherchera plutôt à proposer des points de réflexion pour une théorie qui mette au centre l'expérience des individus dans des situations de contact linguistique (Kramsch 2009). Les recherches plus récentes montrent, p.ex., la potentialité presqu'illimitée des pratiques langagières multilingues, et cela jusqu'à des recherches neurobiologiques qui montrent comment le cerveau intègre les expériences linguistiques et sociales auxquelles l'individu est exposé (Wattendorf et al. 2012, Della Rosa et al. 2013). En commençant par la discussion d'une définition des quatre macro-perspectives concernant le multilinguisme (individuel, de groupe, institutionnel e social)(Franceschini 2009), on discutera le développement du terme MC ainsi que les critiques par rapport à ce concept (Franceschini 2011). On discutera aussi des fondements neurobiologiques donnant des indications concernant le caractère interconnecté des langues Videsott et al. 2012.


Bernard Lahire – ENS Lyon, France
« Les bases pratiques de la théorie linguistique : Saussure et les pratiques scolaires de la langue »

Pendant longtemps, l'écriture va être pensée par les philosophes et les linguistes comme seconde et secondaire par rapport à la parole. Pourtant, la linguistique saussurienne ne cesse de parler, sans le savoir, d'un ensemble de pratiques écrites et graphiques, et plus précisément des pratiques scolaires d'écriture. Mikhaïl Bakhtine, qui a bien mis en évidence ce fait, rejette toutefois un peu trop rapidement cette théorie. Si le champ de pertinence de la linguistique saussurienne réside dans l'ensemble des pratiques scolaires d'écriture, alors, celle-ci n'est pas une théorie fausse en général. Si l'on dit, comme le fait Bakhtine, que le sujet parlant ne se trouve jamais face à une "langue" déjà constituée comme un système de formes normalisées, on n'énonce qu'une demi-vérité car l'écolier se trouve exactement dans la position décrite lorsqu'il apprend la grammaire, l'orthographe ou, plus simplement encore, lorsqu'il apprend à lire et à écrire. Si l'on peut critiquer l'objectivation que la linguistique fait subir à la "parole" et la neutralisation des signes linguistiques "sur le plan des valeurs du réel" qui en découle (cette "parole objectivée", retirée du processus de communication, ne dit plus le vrai ou le faux, le beau ou le laid, etc.), il faut aussitôt reconnaître qu'à l'école c'est bien le statut qui est conféré au langage lorsqu'on apprend la grammaire de la phrase. La "parole" scolaire est tout entière tournée vers le "code" (les combinaisons alphabétiques, le lexique, la grammaire, l'orthographe...).


Yves Lenoir – Université de Sherbrooke, Canada
« L'intervention éducative : du concept à ses enjeux sur les plans du curriculum et des dispositifs d'enseignement-apprentissage en contexte plurilingue »

Après avoir rapidement rappelé comment le choix de la notion d'intervention a été effectué à l'origine, nous proposons dans un premier temps de distinguer entre la perspective empirique, opérationnelle et pragmatique et la perspective conceptuelle qui la caractérise. Cette distinction nous conduira à introduire, dans un deuxième temps, les interrelations nécessaires entre les disciplines scolaires sur le plan curriculaire et à considérer particulièrement les liens entre les domaines de la construction de la réalité par les élèves et de son expression, ce qui soulèvera la problématique des processus de communication en contexte socio-éducatif plurilingue. Enfin, dans un troisième temps, nous attirerons l'attention sur la place et la fonction des dispositifs instrumentaux et procéduraux qu'une telle conception de l'intervention requiert. En conclusion, nous inscrirons cette conception dans une approche dialectique centrée sur les dimensions ontologique, épistémologique et praxéologique.